Goodbye Julia de Mohamed Kordofani

Aimant le cinéma des Afriques, je suis venue pour découvrir un film d’un pays si mal connu sauf à travers cette interminable guerre peu médiatisée. Je ne m’attendais pas à un tel choc. Ce film a pour ma part effacé tous les précédents. Il aurait mérité un grand prix dans un de ces festivals fameux en Europe.

Tout y est abordé sans pathos ni tragédie à la grecque, on ne pleure pas. Sont imbriqués avec naturel l’intime et le politique, la lutte des classes et la guerre civile, le racisme et la condition féminine, la fonction du mensonge. Le film est beau sans esthétisme, la musique soutient l’histoire tout en se faisant oublier. Les comédiennes portent de façon extraordinaire ces deux portraits de femmes qui conquièrent leur liberté par bribes et à force de cachotteries, en contournant les lourdeurs sociétales de la domination machiste si étouffante même pour les mâles. La liberté pour les deux sexes serait que la femme n’aie plus à se cacher ni à mentir pour la moindre broutille. La domination sécrète l’hypocrisie et le jeu de dupes. Le mari y perd quand la femme se refuse à lui parce qu’il n’a pas réussi à la dompter. Les deux femmes n’ont pas de compagnon à leur mesure, ils sont enfermés mentalement et en conséquence médiocres, et pourtant c’est un homme qui a réalisé ce film !

Florence

A quoi ressemble la paix après la guerre ? Même si l’on n’a pas été atteint physiquement, chacun garde la mémoire de la violence. Haine, peur, rejet viscéral de l’autre… Les actes de chacun sont marqués par cette mémoire à vif. Comment se reconstruire individuellement ? Et être capable enfin de vivre ensemble ?

Mona, la musulmane, rongée par la culpabilité, tente de réparer ce qui ne peut pas l’être, en prenant soin de Julia, la chrétienne. Elle le fait dans le non-dit car la vérité ne serait pas comprise par son mari, ni par les siens. Malgré l’amitié qui naît entre les deux femmes et un début de libération pour chacune, le silence cristallise les faits du passé et nourrit la douleur. 

Par ce film soudanais, on en apprend plus sur l’histoire largement ignorée en France de ce pays déchiré.

Françoise BOUSSARI

Pour en savoir plus, écoutez l’émission Plan Large dont le réalisateur Mohamed Kordofani était l’invité le 11 novembre 2023.