Les films des studios Warner sur grand écran et en streaming

LES STUDIOS WARNER VONT SORTIR LEURS FILMS EN MEME TEMPS SUR GRAND ECRAN ET EN STREAMING

C’est une première qui irrite les salles de cinéma américaines. Les studios Warner Bros Pictures, filiale du groupe AT&T, ont annoncé, jeudi 3 décembre, qu’ils sortiront tous leurs films prévus en 2021 en salle dans le monde entier, mais également en streaming sur leur propre plate-forme HBO Max, le jour de leur lancement aux Etats-Unis.

« Ce modèle hybride » a été créé, selon le studio, comme « une réponse stratégique à l’impact de la pandémie en cours, en particulier aux Etats-Unis ». Avant un retour au schéma classique de sorties en 2022. Depuis l’arrivée du Covid-19, le parc de salles a été mis à l’arrêt aux Etats-Unis, notamment dans l’Etat de New York et en Californie qui représentent le quart des recettes nationales en temps normal. En raison des vagues de reconfinement, seules 40 % des salles américaines sont ouvertes aujourd’hui. « La plupart des cinémas fonctionneront probablement en capacité réduite tout au long de 2021 », a expliqué Ann Sarnoff, PDG de WarnerMedia Studios & Networks Group.

Une petite vingtaine de longs-métrages, dont la nouvelle version très attendue de Dune signée Denis Villeneuve avec Timothée Chalamet dans le rôle principal, le quatrième opus de Matrix, de Lana Wachowski, ou encore Godzilla vs Kong, d’Adam Wingard, seront donc disponibles aux Etats-Unis à la fois dans les salles ouvertes et sur la plate-forme de streaming HBO Max pendant un mois à compter de la sortie nord-américaine. A l’issue de cette période, le film quittera la plate-forme et sa carrière se poursuivra en salle.

Pour Ann Sarnoff, PDG de WarnerMedia Studios & Networks Group, il s’agit « d’une solution gagnant-gagnant pour les cinéphiles et les exploitants »

Cette stratégie prévue pour l’année 2021 permettra de « soutenir nos partenaires avec un pipeline régulier de films (…) tout en donnant aux cinéphiles qui n’ont peut-être pas accès aux salles de cinéma ou qui ne sont pas tout à fait prêts à y retourner, la chance de voir nos films », a ajouté Ann Sarnoff. A ses yeux, il s’agit « d’une solution gagnant-gagnant pour les cinéphiles et les exploitants ».

A voir. Ces derniers sont en effet furieux de ce coup de canif supplémentaire dans la chronologie des médias – l’ordre selon lequel un film est exploité en salle puis en vidéo, à la télévision… Les salles américaines disposent d’un délai d’exploitation exclusive qui varie de soixante-quinze à quatre-vingt-dix jours, avant qu’un film soit proposé en vidéo à la demande (VOD). Là, Warner foule aux pieds ces accords. Fermés pour des raisons sanitaires et déjà privées de blockbusters puisque les majors hollywoodiennes ont reporté leurs grosses sorties à des jours meilleurs, les réseaux de salles auront certes accès aux films Warner mais écoperont d’une nouvelle concurrence avec HBO Max…

Epaulée par des stars du calibre de Clint Eastwood, Martin Scorsese ou Greta Gerwig, l’association des exploitants de salles demande depuis des mois au Congrès une aide financière pour les salles en difficulté. Dans ce contexte déprimé, où les recettes au box-office aux Etats-Unis devraient plonger de 81 % en 2020 par rapport à 2019, selon la société d’analyse des médias MoffettNathanson, les relations entre exploitants et majors se tendent inexorablement. « Il est clair que Warner Media a l’intention de sacrifier une part considérable de la rentabilité de sa division cinéma (…) pour subventionner sa start-up HBO Max », a réagi Adam Aron, PDG d’AMC, le premier circuit cinématographique nord-américain. Sa colère semble d’autant plus justifiée que l’annonce de Warner a fait plonger le titre AMC en Bourse de 16 % et celui de son rival Cinemark de 22 %.

Concurrence exacerbée entre plates-formes

Pourtant, Warner reste bien la seule major à avoir sorti un blockbuster mondial en salle, Tenet, cet été. Quitte à essuyer des résultats très décevants aux Etats-Unis. Mi-novembre, ce studio, qui a produit par le passé Casablanca (1942), de Michael Curtiz, ou Barry Lyndon (1975), de Stanley Kubrick, avait déjà prévenu que Wonder Woman 1984, de Patty Jenkins, sortirait aux Etats-Unis simultanément en salle et sur HBO Max le jour de Noël. Ce qui s’annonçait comme une exception deviendra donc la règle en 2021.

Les studios hollywoodiens cherchent désespérément des solutions pour endiguer la crise. Le marché américain, qui représentait selon l’association des studios, la Motion Picture Association of America (MPAA), 27 % des recettes mondiales des majors en 2019, est pour partie paralysé. Universal a, par exemple, indemnisé AMC pour exploiter son film d’animation Les Croods 2 cet été en salle et en VOD.

Si Warner et Universal passent encore par la case cinéma pour exploiter leurs blockbusters, Disney y a renoncé pour son film d’animation Soul, de Pete Docter et Kemp Powers, qui sera disponible uniquement sur sa plate-forme Disney + à Noël. Son remake de Mulan, de Niki Caro, a pris le même chemin. Plus impacté que les autres majors hollywoodiennes par la pandémie, Disney a déjà licencié 28 000 employés dans ses parcs d’attractions aux Etats-Unis. Et le groupe, qui perd de l’argent au quatrième trimestre, privilégie désormais sans s’en cacher le streaming aux sorties en salle, dans un contexte où la crise sanitaire exacerbe la concurrence entre plates-formes de vidéo à la demande.Lire le compte-rendu : Disney mise désormais plus sur le streaming que sur les salles de cinéma

Mais quand seront-elles assez puissantes financièrement pour rentabiliser des blockbusters de plus de 200 millions de dollars (165 millions d’euros) ? Jusqu’à présent, seules les recettes mondiales des salles obscures le permettent.

Nicole Vulser

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