Pierre feuille pistolet de Maciek Hamela

« Une caméra-refuge, confidente, témoin, courage, dignité ! »

Qui veut jouer à « pierre feuille ciseaux » ? Souvenez-vous, on mime avec la main dans ce jeu vif et joyeux à deux. La pierre casse les ciseaux, les ciseaux coupent la feuille, la feuille enrobe la pierre. La pierre casse… stop ça suffit, le cercle est clos, l’équilibre est atteint. Chacun.e est à la fois plus faible et plus fort.e qu’autrui, donc dans une sorte d’égalité.
Sauf si le pistolet s’empare du pouvoir en éjectant les ciseaux.
Sauve qui peut.

Ce documentaire ukrainien filme la fuite en voiture d’habitant.es rescapé.es des bombardements, entre les barrages militaires et les routes défoncées. Le cinéaste est un taxi bénévole qui a installé une caméra déclencheuse de la parole des passager.es. Presque un huis-clos.
Une caméra refuge.

À travers les vitres du van, défile une contrée dévastée. Des ruines, tant de ruines. La voiture zigzague entre les tanks, les carcasses de véhicules, les vestiges d’incendies, des tours trouées mais encore debout. Le film ne s’épanche pas. La durée idéale d’1h25 saisit l’essentiel afin que les spectatrices et les spectateurs sachent, ressentent et comprennent sans se laisser engloutir sous l’impuissance.
Une caméra témoin. 

Les enfants crèvent l’écran. Une adolescente parle d’emblée de résilience. Une fillette lumineuse mime pierre feuille ciseaux, bah non pistolet, et redonne mots et sourire à cette petite enfant devenue mutique d’effroi.
La peur n’est perceptible que lorsque le bruit des bombes se rapproche à en sursauter.
Parce que la vie doit continuer. Vaille que vaille. Pour ne pas donner raison à l’envahisseur.
Une caméra courage.

Les passagers ont l’intuition que la caméra dénoncera leur situation dans des pays encore à l’écart des guerres. Alors beaucoup se racontent. D’autres offrent un regard franc dans un non-dit éloquent.
Une caméra confidente.

Se quitter dans l’espoir de se retrouver, on n’ose à peine y croire ! Si peu de larmes. De longs silences aussi. Tant de beauté sur ces visages qui s’obstinent, non pas seulement à survivre, mais à vivre, tout simplement.
Une caméra dignité.

Prenons-en de la graine.
Florence.

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Pour en savoir plus, découvrez cet entretien que le cinéaste (qui est aussi le chauffeur du van) a donné en mai 2023 à l’ACID, l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion.