L’ETOILE FILANTE de Dominique Abel et Fiona Gordon

Nous étions trois dans la salle 5 pour les retrouvailles avec le petit théâtre burlesque, lunaire et kaurismäkien de Dominique Abel et Fiona Gordon qui signent leur cinquième film, le mélancolique « L’étoile filante » produit par « courage mon amour » et « moteur s’il vous plait ! », deux maisons de production constituant à elles seules, déjà, un programme !

La Belgique a connu ses années de plomb et le film met en scène un barman solitaire, ancien activiste de la lutte armée, qui mène une vie discrète dans un bar, « L’étoile filante ». Son passé refait surface le jour où un client, victime d’un attentat, le reconnait. Et là, c’est parti pour un improbable imbroglio hors de tout : du réel, du temps, des conventions. Ne pas chercher du réalisme dans ce nouvel opus du couple excentrique Abel et Fiona. On y trouvera plutôt de la poésie, de la mélancolie combinées aux codes du film noir et des gesticulations corporelles qui confinent à l’art du mime.

Car les amis du barman repèrent son sosie, prénommé Dom, dépressif : ils l’enlèvent, le transforment en barman afin qu’il prenne la place du patron derrière le zinc. Mais la femme de Tom est détective privée ; c’est alors un chassé-croisé entre deux mondes.

La photographie du film est proche de celle d’un Kaurismäki avec cette photo technicolor factice qui joue beaucoup avec les couleurs primaires : il y de très jolis jaunes, bleus et rouges à l’écran. Magnifiques images lorsque Fiona s’enfonce dans un pouf jusqu’à disparaitre.

Certaines scènes sont empreintes de nostalgie, notamment celle se situant dans les toilettes du bar au cours de laquelle Tom et Fiona, à l’écoute d’une chanson leur rappelant leur passé, sèchent leurs larmes à l’aide du papier hygiénique que Tom transmet à Fiona en le faisant passer sous la paroi qui les sépare. La chanson de Rosemary Standley « Dernière chance » donne le ton du film : « il était bleu le temps de l’amour »,« il était rouge le temps des toujours, pivoines, carmin, roses du Luxembourg ».

Il y a aussi du burlesque corporel avec une chorégraphie endiablée très réussie et une manifestation qui n’est pas sans rappeler celle de Charlie Chaplin dans « Les temps modernes », et qui témoigne que ce couple excentrique n’est pas insensible aux préoccupations sociales.

Ce n’est peut-être pas le meilleur film Dominique Abel et Fiona Gordon mais restent des images, des décors, de la musique, des chorégraphies, une gestuelle savamment orchestrés avec des acteurs à la hauteur du projet burlesque.

Il mérite notre soutien.

Patrick Joffre

Bonus : la rencontre avec les réalisateurs a été filmée par Michel Podgoursky et vous pouvez la voir en cliquant . Devinez quoi ? Ils sont aussi drôles dans la vie que dans leur film, et ils ont le goût du partage… Bon visionnage !