Voilà un film qui aborde avec sobriété la question de la transidentité chez l’enfant. J’avais peur d’un film au discours militant défendant une cause. Pas du tout, c’est une très belle construction artisanale qui évite le spectaculaire. Un ouvrage artisanal qui met en lumière les questions que se posent les membres de la famille sur Coco. Coco a huit ans et se demande qui elle est. Elle est la petite dernière d’une fratrie de trois, tiraillée entre son sexe et ce qu’elle ressent car née garçon prénommé Aitor, elle se sent fille, parle d’elle-même au féminin et ne veut pas montrer son corps. Tout comme sa mère est tiraillée entre sa culture basque, espagnole et française, entre son désir de sculpter et les contraintes matérielles.
L’écriture du film, classique, naturaliste, évite le côté folklorique ou mélodramatique. Le film prend le temps de nous raconter quelque chose de difficile. Il développe toute l’ambivalence et la complexité des rapports familiaux par la répétition de saynètes de la vie quotidienne qui prennent leur temps : une sortie à la piscine, un dîner, l’étendage du linge sur une terrasse. Coco est entourée de trois générations de femmes, sa mère progressiste et ouverte, sa grand-mère aux réflexes archaïques et surtout sa grand tante, dernière représentante d’une lignée d’apicultrices qui semble la comprendre le mieux, le côté didactique du personnage et la métaphore des abeilles étant peut-être une des limites du film sans toutefois en amoindrir le propos.
C’est un grand film de famille qui se déroule dans un charmant village entouré de paysages somptueux, dans cette famille basque où le catholicisme reste omniprésent. Chaque membre de la famille peut développer son point de vue dans des dialogues fournis, pas toujours attendus, et surtout les questions qu’il peut se poser lorsqu’il est confronté à la « mue » (cf les abeilles) d’un de leur membre. Tout se déroule au cours d’un été, dans un cadre où langues basque, espagnole et française se confondent avec fluidité. Le point de vue du film est porté par le personnage de Coco et tout se concentre que la question du nom, le personnage en ayant trois : Coco, Aitor (son nom de baptême) et Lucía.
Ce qui m’a frappé, c’est l’interprétation exceptionnelle de Coco, à la fois taiseuse et colérique, due à une direction d’actrice impeccable et à la maestria de la mise en scène de l’enfant. La très jeune Sofia Otero est une très bonne actrice, très bien dirigée pour interpréter un personnage aussi complexe que celui de Coco.
Un premier long métrage réussi avec d’énormes qualités.
Patrick Joffre
Envie d’en savoir plus ? En attendant la vidéo de la rencontre avec la réalisatrice, écoutez Plan Large sur France Culture. La cinéaste Estibaliz Urresola Solaguren est la deuxième invitée d’Antoine Guillot, après Bruno Dumont. La parole lui est donnée à partir de 22mn36s.