Quel drôle de film sur un personnage… pas si drôle, avons-nous découvert en débattant autour du dernier film de Quentin Dupieux, qui contient un « a » de plus dans son titre qu’il convoque d’acteurs pour incarner l’insaisissable artiste.
En effet, en consultant nos smartphones nous avons découvert que Dalí était un admirateur « fou de Franco », qui n’avait pas seulement encensé le coup d’Etat militaire de 1936 qui a été à l’origine du déclenchement de la Guerre civile espagnole ; il avait également défendu la sévère répression franquiste, qu’il jugeait nécessaire « pour nettoyer le pays des forces destructrices de ce que l’Espagne a de meilleur ».
Bref. Là n’était pas notre sujet, puisque nous nous réunissions, à l’issue de la projection de Daaaaaalí, pour écouter ce que les uns et les autres en avaient pensé.
Eh bien, les avis étaient partagés, entre ceux qui en sont sortis enchantés, enthousiasmés par l’anticléricalisme et le surréalisme buñuelien, et ceux qui s’étaient ennuyés, voire avaient trouvé le film misogyne, « comme tous les films de Dupieux ». Il est vrai qu’Anaïs Demoustier n’y est pas à son avantage, falote journaliste auto-proclamée, ex-pharmacienne, méprisée pour ce métier tout autant que si elle avait été boulangère… Pourquoi tant de dédain gratuit ? Même insignifiance dans l’incarnation de Gala, la muse de Dali, qui n’a rien à dire, rien à penser. Elle pourrait ne pas exister dans le film, qu’il n’en serait aucunement affecté.
Alors, misogyne, Dupieux ? Sans doute, sauf dans cette réplique savoureuse et qui résonne avec l’actualité de la ixième vague « Me Too » qui secoue en ce moment le milieu du cinéma français. Sur le tournage d’un portrait cinématographique consacré à Dalí, la maquilleuse permet à ce dernier, qui le lui demande au préalable, de peloter ses seins. À un technicien qui s’en offusque, elle répond : « C’est pas grave ! C’EST UN ARTISTE ! »
Par ailleurs, le film contient indéniablement des scènes très réussies, comme cette avancée de Dalí dans un couloir d’hôtel, au début, qui n’en finit pas. Il ne manque qu’un panneau : « Long, n’est-ce pas ? » comme on en verrait apparaître à la fin du plan, si on était dans un dessin animé de Tex Avery.
Très réussie aussi, la scène de la pluie de chiens. Elle sert de prétexte à Dalí pour écourter un appel téléphonique importun et visuellement, elle est vraiment rigolote.
Buñuélien bien sûr, le rêve surréaliste et qui se répète et s’étoffe, à chaque fois que celui qui le raconte en reprend le récit. Dalí est invité chez son jardinier qui veut lui faire rencontrer un prêtre, lequel veut à tout prix lui raconter un rêve qu’il a fait. À chaque narration du prêtre, Dalí l’interrompt, trouvant le rêve « nul ». Quelques minutes plus tard, le récit du rêve reprend là où il en était pour se poursuivre différemment.
Le film réussit, par sa forme fantasque, sautant du coq à l’âne, interrompant une scène où l’on commence à s’ennuyer pour commenter le fait qu’on s’ennuie et réclamer « du panache ! », à évoquer la personnalité insaisissable de Dalí. Nous nous sommes dit que Dalí avait été le premier artiste à se créer un « persona », une image publique qui attirait les média et par là, l’attention sur lui, fût-ce au détriment de l’attention portée à son œuvre elle-même. Et les comédiens ? Celui qui a remporté nos suffrages est sans conteste Edouard Baer, talonné par Jonathan Cohen. Un tour de force a été de réussir à créer une uniformité dans leurs voix et leur diction, que ce soit Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Gilles Lellouche ou Didier Flamand qui l’incarne.
Échange transcrit à l’écrit par : Isabelle Devaux.