Voilà une heureuse découverte ! La Californie vue d’Afrique. Bushman est le premier long-métrage inédit de David Schickele datant de…1971. Ce cinéaste est connu pour ses documentaires. Bushman s’inscrit dans le mouvement du cinéma vérité : montrer la vérité par l’artifice. Un procédé théorisé par Jean Rouch.
Il s’agit d’un portrait de la Californie de la fin des sixties vue par un jeune intellectuel africain émigré, un Nigérian installé à Fillmore. L’Amérique vue non pas par un afro-américain mais par un africain. Gabriel est un homme noir n’est pas noir comme les autres et regarde différemment la question raciste aux Etats-Unis. Une très belle scène illustre le propos : Gabriel suit sa petite amie également noire dans un bar et on le voit la regarder puis regarder au mur une affiche publicitaire sur laquelle pose une femme noire complètement occidentalisée avec brushing impeccable et sourire de starlette.
Le film est conçu selon des séquences au statut indéterminé : saynètes comiques, interview documentaire, romance nouvelle vague, vignettes oniriques, etc. Tout apparait : le racisme ambiant, les turbulences de la contestation, l’émergence des Black Panthers, les hésitations de la bourgeoisie, qu’elle soit blanche ou noire.
Dans un magnifique noir et blanc, ce film lumineux et errant alterne souvenirs du Nigéria et observations crues sur les Etats-Unis, scènes entrecoupées de plans fixes où on le voit nous raconter sa jeunesse nigériane. La bande son alterne divers styles musicaux : musique traditionnelle africaine, blues, jazz et musique classique.
Je ne vous dis rien du cruel tournant pris aux deux tiers du film qui bouleverse la trajectoire du personnage. Ajoutons simplement que le rôle de Gabriel est interprété par Paul Okpokam venu de son Nigéria natal enseigner la littérature américaine à l’université.
Voilà une pépite qui a enfin trouvé le chemin des salles de cinéma françaises !
Patrick JOFFRE
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