Un premier long métrage de Karim Bensalah qui raconte hors des lieux communs le parcours de Sofiane, jeune algérien en France, ses rapports à sa famille et à son origine. Vous voyez à quoi le film fait référence : « Six feet under », série mythique américaine qui chroniquait l’histoire d’une famille de croque-morts dans l’Amérique des années 2000.
Référence mais fausse piste. Bien qu’explorant des rites funéraires, le film n’a pas grand-chose du mélodrame de la série. Il est centré sur un personnage qui se fait appeler Souf qui aime faire la fête, embrasser les filles, fumer, raconter qu’il a de multiples origines et qu’il a vécu dans le monde entier…pour se retrouver chez lui dans une chambre d’étudiant, plutôt misérable. Etudiant qu’il n’est plus ; il a séché les cours et il est menacé d’expulsion. Pour mettre un terme à l’arrêté, il doit rapidement trouver un contrat de travail. Je viens de vous raconter les dix premières minutes du film avec leurs changements de décors, les changements d’humeur de Sofiane : insouciance, tristesse, colère. Instabilité et éparpillement de soi.
Un cousin éloigné lui propose un essai dans son entreprise de pompes funèbres musulmanes, activité qui va le faire entrer en collision avec les assignations identitaires.
Le film montre la représentation de ce travail particulier dans un environnement social et spirituel et l’arabité du personnage qui n’est assimilable à aucun cliché, à aucune catégorie. Il est hors milieu, en rejet de son identité arabe et/ou musulmane. Il refuse tout cloisonnement culturel et religieux.
Les personnages du film entrent en dialogue sans mots. Tout se passe sur les visages, notamment avec un embaumeur mutique, dans une mise en scène qui s’apaise au rythme du personnage. Les scènes avec à-coups du début du film cèdent la place à des plans séquences pour aboutir à une séquence pleine d’émotion sur fond de paroles de Dalida. Car la musique inscrit Souf dans un territoire sans frontière où Schubert côtoie Dalida ou le brésilien Zeca Veloso.
Un personnage de jeune arabe inédit, loin des catégories toutes faites.
Patrick JOFFRE
Lucile Comeau aussi a bien aimé, sur France Culture : Un jeune Arabe au cinéma.