Voilà une petite merveille cinématographique qui pousse très loin la déstabilisation. Une voiture descend une route escarpée, virages serrés qui nous donnent le tournis.
Au volant, Jérémie, un jeune homme retourne en Aveyron pour assister à l’enterrement du boulanger, son ancien patron auquel il était attaché, père de Vincent, son ami d’adolescence. La veuve, Martine, après les funérailles lui propose de passer la nuit chez elle. Il accepte et décide de prolonger son séjour, au mécontentement de Vincent qui soupçonne Jérémie de vouloir séduire sa mère et qui ne comprend pas ses allées et venues chez Walter, un paysan solitaire.
S’attardant, Jérémie se promène dans la forêt avoisinante et y rencontrera Vincent. L’abbé du village qui y cueille des champignons se trouve toujours sur son chemin.
Vincent disparait et on assiste à une subversion de toutes les attentes qu’on peut avoir d’une fiction qui prend pour décor un village français avec ses côtés pittoresque et naturaliste. Foin de tout cela. Les personnages bien typés, le boulanger, l’ouvrier, le paysan, la femme du boulanger, le curé. Des physiques souvent invisibilisés qui ici vont être ici sexualisés, érotisés, sensualisés pour montrer leurs désirs. Car le film est traversé de bout en bout par la question du désir.
A quel genre rattacher ce film ? Polar tragicomique énigmatique ? Polar mystique sylvestre ai-je lu ? En tout cas, il y a du drame, de la violence, des secrets bien gardés et en contrepoint du burlesque et une mise en scène qui cultive l’ambiguïté, le mystérieux, pour aborder des sujets sérieux. Les uns et les autres ont tous leurs raisons d’agir.
Seul le personnage du curé joue franc jeu. Il apparait d’abord furtivement pour devenir le personnage central à partir d’une scène iconique de confession totalement décalée. Son pardon s’accompagne de bien d’autres intentions que nous ne dévoilerons pas mais qui sont dictées par d’incontrôlables sentiments humains. Une de ses apparitions restera gravée dans la mémoire des spectateurs !
Le film se termine comme il a commencé, dans un cimetière, mais sur une note tragicomique.
Patrick JOFFRE