
Disco Afrika, une histoire malgache de Luck Razanajaona
Disco Africa, une histoire malgache, représente la rupture d’un long silence : cela faisait trente ans qu’aucun film de fiction malgache n’était sorti, et c’est une grande réussite ! C’est un récit initiatique qui raconte l’éveil d’une conscience politique chez un jeune homme de 20 ans, à partir d’un drame personnel et de belles rencontres. Il y a eu une rupture de transmission dans son histoire familiale, parce qu’il ne connaît rien du parcours de son père mort quand il était très jeune, et c’est à travers la réappropriation de l’héritage paternel qu’il va prendre sa place de citoyen dans la société.
Le film est sorti en France pile quand une crise politique éclatait à Madagascar. Des manifestations monstres de jeunes de la « Gen Z » contre le président de la république ont conduit à sa destitution, et pendant le trajet du taxi qui l’amenait au Méliès, le réalisateur Luck Razanajaona a appris que l’armée avait pris le pouvoir ! Âgé de 40 ans, il veut dire à la génération qui lui succède et qui rue dans les brancards : « Prenez votre destin en main, c’est à vous de changer l’avenir ». Son film porte exactement ce message, mais sans être dogmatique, plutôt à travers l’incarnation d’une histoire sensible, particulière.
Sous son air doux, faussement candide (le style malgache !), le film a une grande profondeur, magnifiée par la cinégénie de l’île de Madagascar. Il raconte aussi le pillage des richesses naturelles du pays par des mafias, au profit du commerce international. Il raconte donc la corruption, et comment le jeune Kwame, son personnage principal, développe une conscience politique et décide de s’engager dans la lutte pour la dignité de son Ile et de ses habitants. Les ancêtres reprennent vie dans les luttes des contemporains : évocation du Famadihana, tradition funéraire malgache, traditions musicales… la musique joue d’ailleurs un rôle essentiel dans ce film, tel un fil rouge révolutionnaire. Certes, le militantisme fait prendre des risques, mais la lutte est belle et le film, porteur d’espoir. Le choix assumé par le réalisateur d’acteurs non professionnels donne à son récit des accents de vérité, une simplicité qui va droit au cœur du spectateur.
Compte-rendu du débat du ciné-café du 11 octobre 2025
Isabelle DEVAUX et Lola RAZAFINIMANANA
