
film de Yorgos Lanthimos 2025 USA 2h avec Emma Stone
Quand un fait réel avéré (la mort des abeilles pollinisatrices menace toute vie sur la Terre) extrapolé, aboutit au conspirationnisme.
Quand l’art pervers de la manipulation du petit peuple par les dominants atteint son paroxysme.
Quand les injonctions contradictoires à leur summum posent d’emblée le ton acide du film.
La dose juste nécessaire d’humour caricatural pour s’inscrire dans la lutte des classes.
L’architecture du siège de la firme chimique est à la mesure de sa puissance. En ligne droite. Que des parois de verre. La transparence totalitaire suffit à la surveillance sans échappatoire possible.
D’emblée, nous prenons partie pour les deux hurluberlus entrés en résistance. En guerre, même.
Ces deux-là vivent ensemble seuls – leur famille a été décimée – dans une maison non loin des commodités telles que le centre commercial. En somme, une sorte de banlieue banale encore verdoyante.
Le meneur des deux emballe les colis dans l’usine de la grande patronne. Il est un apiculteur amateur.
Il a mené une étude approfondie sur internet et les réseaux sociaux : pour lui, cette femme est une extraterrestre d’apparence humaine, missionnée pour poser les jalons de la disparition de l’humanité, une nécessité avant l’invasion de la planète par les aliens.
Ce dont il convainc à demi son cousin, le suiveur gentil et vaguement attardé mental.
Mais évitons de nous fier aux apparences quand le fantastique convie l’irrationnel.
Le film sème en pointillé les indices de ce qui est arrivé et de ce qui devrait advenir lors de la prochaine éclipse de lune. Le compte à rebours est en route. Dans quelques jours seulement.
Pourquoi donc le sheriff se confond-il en excuses, rongé par quelle culpabilité ? Au passage, il enquête sur la disparition de la diabolique grande patronne d’industrie chimique. Quelles expériences a-t-elle menées et dans quel but ? De quoi la famille des deux hurluberlus a-t-elle été cobaye ?
N’en dévoilons pas plus.
La grandissante loufoquerie, de plus en plus inquiétante et sanguinolente mais jamais trop lourde, ne suscite ni le gros rire gras ni le dégoût face au surplus d’hémoglobine. La réussite de ce film est que l’on y croit sans y croire parce qu’on y adhère sans se laisser dévorer par l’angoisse, en toute conscience de la métaphore.
L’enjeu est-il la suppression de toute vie sur Terre due à la folie humaine ? La planète ne peut-elle survivre que grâce au suicide en cours de l’espèce humaine ?
Ouf, c’est de la fiction, du symbolique, de la surexargération, du fantastique !
Les dernières minutes du film exacerbent la loufoquerie tout en maintenant la gravité de la situation.
Somptueuse balade finale accompagnée par Marlène Dietrich.
Le générique de fin est si esthétique qu’il se laisse voir sans être toutefois lisible.
Comment sont créées les conditions des délires complotistes dont internet est l’outil privilégié ? Au profit de qui ?
La violence d’une révolte individuelle est-elle autant vouée à l’échec que celle des révolutions antérieures ? Comment résister à la soumission autant qu’au désespoir face aux potentats qui nous écrasent ?
Réflexion politique salutaire qui renvoie aux actualités de cette fin d’année ou les pesticides sont réautorisés en Europe, où les éleveurs français dont les troupeaux sont contaminés par des épidémies, barrent les routes.
Florence
